1 - Les miches au crabe
(Poisseuse comme un chat noir, résistante comme un cafard) L'histoire d'un cancer et de la nana qui vit autour.
LE CHAFARD 🦀
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Il prenait sa douche je crois. À moins qu'il ne se lavait les dents ? Je sais, je sais, pour vous c'est qu'un détail mais pour moi... Non mais pour moi aussi en fait. Bref, j'ai croisé mes deux mains sur la poitrine, comme je le fais tous les soirs inconsciemment depuis probablement des années. Et puis j'ai senti comme un truc chelou dans mon sein. Une boule dure. Pas vraiment une boule d'ailleurs, une forme bizarre. J'ai palpé, palpé encore, palpé toujours. Putain mais… MAIS C'EST QUOI CE TRUC ?! En une fraction de seconde ça a été Hiroshima et Nagasaki dans ma tête : des années d'hypocondrie contenue se sont fait violemment percuter par des centaines de souvenirs de spots de prévention. Le visage du type sexy sympa qui incite toutes les nanas à se tripoter les miches s'est soudain superposé sur la tronche de ma toubib qui, résolue, me fait un ordonnance pour une écho du bide, pour me rassurer que non-ça-va-bichette-t'as-pas-un-cancer-juste-un-gaz-coincé.
Sauf que ça ne s'est pas passé comme ça.
Bon allez, calmons-nous… C'est peut-être que dalle que je me suis dit. J'ai quand même appelé Mamour, histoire qu'il me pelote les seins lui aussi et me rassure. Mamour est arrivé, a peloté, a statué : "Ah ouais, ça craint."
"Aaaargh !" que je lui ai répondu.
Comme nous vivons dans le Lot-et-Garonne et que le Lot-et-Garonne en ce moment, c'est un peu un désert médical, je n'ai pu avoir un rendez-vous chez notre médecin de famille qu'une semaine plus tard. Autant te dire que mon stressomètre a adoré. J'étais donc là dans son cabinet, en train de me congratuler intérieurement de ne m'être pas trop emballée durant cette folle semaine de suspense et d'avoir même un peu réussi à me sortir ce truc-là de la tête. Mais je t’avoue, j'attendais quand même avec impatience qu'elle m’examine les nibs et me refasse sa tête résolue de l'autre jour, genre OK, tu vas passer une écho, mais c'est juste pour que tu arrêtes de flipper ta race pour rien.
Elle a bien prescrit une écho mais elle n'a pas fait sa tête blasée de d'habitude. Elle m'a plutôt demandé s'il y avait des antécédents dans ma famille ("Euh non, aucun…") et aussi de lui rappeler mon âge ("Ben 32 ans…"). Elle m'a souri gentiment et m'a dit que c'était quand même rare les trucs vraiment sérieux à mon âge. J'étais à moitié rassurée. Finalement, chez le toubib, c'est un peu comme quand il y a des turbulences dans l'avion : tant que l'hôtesse ne panique pas, moi non plus. Là, elle avait quand même l'air détendue. Je n'ai pas paniqué.
3 octobre 2016
J'étais là, posée sur le pieu en attendant Benoît.
Quinze minutes plus tard, j'étais en tête à tête avec une charmante jeune femme. Elle en blouse blanche, moi à moitié à poils, vergetures au vent, seins délicatement compressés dans la mammographeuse (même principe que la photocopieuse, oui…) Un grand moment de solitude donc. Puis de nouveau, rencontre avec le toubib de plus tôt. Il a regardé les clichés pendant un moment, toujours avec ses bruits de bouches chelous et pas du tout rassurants ("Mais ACCOUCHE BORDEL !!!!") et m'a dit qu'il ne pouvait toujours pas en dire plus et qu'il n'aimait pas trop ce qu'il voyait. Là, mon sang s'est figé. Parce que là, mon hôtesse était en train de montrer des signes d'inquiétude et ça ne me rassurait vraiment pas. Il m'a demandé de revenir une semaine plus tard pour une biopsie.
Into la mammographeuse
Tritouillage time, baby
Bon sauf que dans mon cas, elle était toujours là. C'était donc parti pour une heure de tritouillage. L'opération en elle-même n'est pas très douloureuse, surtout avec l'anesthésie. Mais ce n'est pas super agréable non plus. Surtout qu'avec ma chance de chat noir, le produit anesthésiant a arrêté de faire effet en plein milieu de la séance. ("Mais je ne comprends pas, je vous ai quand même administré une bonne dose ?!" Non, mais laissez toubib. C'est rien j'ai l'habitude…* tête blasée*) Puis une fois le prélèvement fait, on a envoyé tout ça au labo et on a attendu.
"Mais du coup, quand est-ce que j'aurai les résultats ?" leur ai-je demandé.
Le toubib m'a répondu la semaine prochaine, l'assistante a dit dans une dizaine de jours et la secrétaire d'ici la fin de la semaine d'après. Au final, j'ai eu les résultats plus de deux semaines plus tard. En tout, entre le moment où j'ai senti la grosseur la première fois et les résultats finaux, il s'était donc passé plus d'un mois.
Un.Putain.De.Long.Mois.
Et puis il y a eu le fameux coup de fil.
Ce n'était pas à elle de m'annoncer ça. Un médecin traitant n'a pas la formation pour. Il existe désormais un dispositif d'annonce et d’accompagnement pour ce genre de pathologie. Seulement voilà, l'autre médecin, celui de la biopsie était parti en vacances entre temps. C'est donc tombé sur elle. Quand elle m'a appelée ce matin-là pour me demander de passer dans l'après-midi, au son de sa voix, j'ai su que ce n'était pas bon.
Lors de la consultation, ses mains tremblaient, elle prenait nerveusement une feuille de soins comme pour écrire, mais n'écrivait rien, la reposait, la reprenait. Elle n'osait pas me regarder dans les yeux non plus. Pas une seule fois elle n'a prononcé le mot cancer. Elle m'a expliqué en deux mots que les résultats n'étaient pas bons et qu'il fallait opérer.
"Mais qu'est-ce que c'est ?
- Un carcinome
- Mais c'est quoi un carcinome ?
- Une tumeur… une tumeur maligne. C'est pour ça, on va l'enlever. Très vite."
Elle m'a aussi parlé de radiothérapie, d'une trentaine de séances qu'il faudrait faire tous les jours. J'avais des larmes plein les yeux et pourtant j'étais très concentrée sur tout ce qu'elle me disait, sur le moindre de ses gestes. J'arrivais plus ou moins à contenir l'élan de panique et la crise de larmes qui montaient de concert.
Puis en partant, je lui ai demandé des nouvelles de son petit garçon, lui-même atteint d'un cancer et à peine plus âgé que mon fis. Comme ça, parce que j'avais entendu qu'il était enfin rentré à la maison et qu'il allait mieux. J'étais contente pour eux. Elle m'a expliqué qu'il n'était pas tiré d'affaire et qu'il lui restait encore une opération. Puis elle m'a carrément pris dans ses bras, les yeux pleins de larmes et elle m'a dit : "Si lui peut se battre contre un cancer, vous aussi. Votre petit a besoin de sa Maman."
Quand elle a fermé la porte, j'ai fondu en larmes.
Mon hôtesse de l'air venait de paniquer.
Le fameux clip de prévention du cancer du sein... Chais pas pourquoi, il m'avait marquée (un peu)
La tête de ma toubib quand elle me voit dans sa salle d'attente
Et c'est donc dans cet état plutôt détendu qu'une semaine plus tard, je me suis pointé la bouche en cœur pour faire la fameuse écho. Le docteur est arrivé - un autre - m'a fait me déshabiller, et a commencé à me tripatouillé les miches en faisant des bruits de bouches zarbi : "Humpf…" et autres "Mouais… Ahem…" pas méga rassurants, puis il a enchaîné sur l'échographie. Là, sur l'écran noir et blanc où je ne reconnaissais strictement pas ce qui était à moi, il m'a montré LA bestiole et m'a expliqué que le contour n'était vraiment pas distinct, qu'il aimerait avoir une autre image pour pouvoir me dire avec certitude que non, ce n'était pas grave. "Bon écoutez, on n'avait pas de mammo prévue pour aujourd'hui, mais je pense qu'on va quand même prendre le temps de lancer la machine…"
Grand seigneur, le type.
Une semaine plus tard donc, j'étais de nouveau sur place. Et on a biopsié. Nouvel interlocuteur, un toubib plutôt sympa. On a papoté pendant qu'il me tripotait. À chaque fois, ce qui me surprenait c'est cette question que tous me posaient : "est-ce que vous sentez toujours la grosseur ?" Ben bien sûr que je le sens toujours. Ça ne peut quand même pas disparaître du jour au lendemain, si ?
Eh bien si, ça peut. Question de cycle et d'hormones, ce qui est quand même bon à savoir, surtout quand on est une grosse flipette hypocondriaque comme moi.
La tronche tout ce qu'il y a de plus rassurant du toubib devant son écran...
Et j'ai pourtant conscience d'être relativement chanceuse sur ce coup. Mais pendant un mois, ça a été petits coups de stress, angoisse contenue et questionnement incessant… Bon alors cancer ou pas que je disais en rigolant à mes coworkers. Je n'imaginais pas un seul instant que ça puisse en être vraiment un. Mais je détestais l'idée de devoir me faire retirer cette chose. Depuis mon accouchement traumatique, deux ans auparavant, je fuyais les hôpitaux comme la peste. Ma plus grande peur c'était donc de retourner sur le billard. Yeurk !
Moi, qui tente de rester chill en attendant les résultats
A 32 ans, on m’a diagnostiqué un cancer du sein. Passé le choc de l’annonce, je me suis dit qu’il n’y avait pas de raison pour que ça ne fasse pas une bonne histoire à raconter. Parce que d’expérience, je sais qu’une mésaventure se vit différemment lorsqu’on a un public à faire rire. Et vous savez quoi ? Le rire, c’est le meilleur remède contre la maladie.
Ces articles ont initialement été écrits et publiés entre 2016 et 2017.
DÉCOUVRE DE SUITE LE 2 ÈME ÉPISODE
Et maintenant, que vais-je faiirreuh ?
Gnagnagnagnaaaa… Que seurrra ma vie ?
Je ne te la raconterai pas à l'envers... C'est vrai, je l'avoue, je le confesse, j'ai eu un gros moment de solitude, de faiblesse, de couardise, d'autoapitoiement à la Gilbert Bécaud.
Après que le gros mot – cancer – a été dit, il m'a fallu un peu de temps pour assimiler la nouvelle. En sortant du cabinet médical, je me suis assise dans ma voiture et puis considérant qu'il serait dangereux et par conséquent complètement con de prendre le volant de suite, je suis restée là un moment à repenser à tout ça. Et dans ma tête a démarré un dialogue qui ressemblait à quelque chose comme ça :
[...]
Barbie Cancer sombrera t-elle dans l'alcoolisme et la dépression ? Découvre-le dans le prochain épisode !
Ceci est l'histoire d'un cancer et de la nana qui vit autour. Cet article appartient à une série initialement publiés entre 2016 et 2017 et que je reposte cette année à l'occasion d'octobre rose.
Le chafard
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