L'auteure made in India

Une origin story à base de rickshaw, de cyber café et de biryani

QUOI D'NEUF L'AUTEURE ? 🥕

Virginie Buhler

6/22/20235 min read

2007. Après six années sur les bancs de la fac, 342 thés au resto du Crous, près de 4000 heures de cours divers et variés, 1 blocage et je ne sais combien de révisions de dernière minute parce que sinon c’est pas drôle, voici enfin arrivée la fin de mes années fac. Et pour fêter ça dignement, rien de tel qu’un… stage de fin d’études à l’étranger.


Sauf que voilà, des stages, j’en trouve pas.

Nada, peanuts, que dalle. Faut dire aussi que je tente de partir en Allemagne qui est ma seconde langue d’étude. Mais qui est aussi et surtout celle que je parle le moins bien (ou alors sous la torture). Alors forcément, les refus pleuvent. Puis un jour comme ça, ma grand-mère qui à l’époque est du genre pigeon voyageur slash Indiana Jones en Scholl me dit qu’elle a une copine en Inde qui tient une école (mais bien sûr qu’elle a une copine en Inde…) Et que donc, la copine en question cherche toujours des stagiaires et que je devrais lui écrire.

Ça t’est déjà arrivé de revoir un moment décisif de ta vie en te demandant ce qui a bien pu te passer par la tête ? Parce que je ne comprends toujours pas comment à ce moment-là, moi qui n’avais jamais voyagé ou quasi, et encore moins seule, je me suis dit allez, banco, on y va, on tente le bout du monde.

Donc j’écris. Et donc je suis acceptée direct. Trop heureuse la nénette, j’te raconte même pas. Danse de la joie, apéro pour fêter ça avec les copains, shots de vaccins anti rage, anti hépatite, anti tout, déménagement le mois suivant, et enfin le grand départ pour l’inconnu.

Et puis arrivée sur place, la putain de claque.

C’est en février. La chaleur est écrasante, le niveau sonore pire qu’une cantine remplie de mômes shootés au sucre, le trafic routier entre chaos et anarchie, la bouffe tellement épicée que mes naseaux en saignent, mes collocs hostiles, les gens incompréhensibles (22 langues officielles ma poulette !), la culture à 180° de tout ce que j’ai connu jusqu’alors. C’est bien simple, je passe les 15 premiers jours en PLS à me demander ce que je fous là.

Et puis je me ressaisis. Comme on est en 2007 en Inde, je te laisse imaginer à quoi ressemblent Internet et le réseau de téléphone. Donc le seul moyen de communiquer — longuement — avec mes proches, c’est de leur écrire des mails chez moi dans la journée, puis de les mettre sur clé et enfin, la nuit venue (quand il n’y a pas de couvre-feu à cause d’un attentat…), envoyer le tout depuis le cyber-café d’en bas. Ambiance, hein.

Donc je me mets à leur raconter mes aventures.

Et puis, comme je veux vraiment qu’ils ressentent ce que je ressens, je commence à romancer un peu tout ça. Ainsi mes deux collocs passent du rôle initial d’antagonistes à celui d’alliées (on finit par régler nos différends). L’odieuse Rana, la prof qui frappe les élèves et menace notre amie Shabana prend alors la place de l’ennemie commune. Puis arrive le beau Clément, le jeune premier qui s’immisce entre nous. Et au milieu de tout ça, il y a aussi Ma le mendiant sans dent avec lequel on s’arrête papoter tous les jours (et auquel un jour je refile une pomme… #abattezmoidesuite), les enfants des carrières auxquels l’école pour laquelle nous travaillons donne des cours gratuits, les invasions successives de cafards et fourmis dans notre appartement, le chauffeur de rickshaw éconduit par ma colloc qui cherche à nous écraser par vengeance et même une trahison.

Voilà tout ce que mes proches découvrent de semaine en semaine dans mes emails.

Mais comme tu t’en doutes, ça prend du temps de raconter tout ça. Et mes textes font souvent 10, 20 pages. Malgré tout, j’ai un public assidu et beaucoup de mails d’encouragement. Quand les amis des amis, les collègues des parents et le reste des voisins demandent comment se passe mon séjour indien, mes proches ont cette même réaction "Attends, je vais te transférer ses mails, tu liras ça par toi-même". Sauf qu’à 20 pages le mail, ce n’est pas pratique à lire sur l’ordi (souviens-toi, on est en 2007, les écrans ne sont pas aussi confort qu’aujourd’hui). Donc les uns et les autres impriment mes textes pour les lire plus pépouze. À la maison, il y a aussi leur mari, leur femme, les amis qui passent. Tout ce beau monde tombe sur ce tas de feuilles et commence à le lire un peu comme ça, puis un peu plus et un peu plus encore et puis franchement passionnément. Et c’est comme ça que mes aventures, mes pauvres misères de petite fille blanche et privilégiée, commencent à voyager malgré moi. C’est comme ça que je reçois des mails de gens que je ne connais pas et qui me demandent : « Et la suite ! Quand est-ce qu’on a la suite ? »

Et c’est à ce moment-là que je me dis, mais alors, j’ai peut-être un petit talent pour l’écriture ?

Et si je persévérais dans cette voie pour voir ? Et c’est ainsi que 5 ans plus tard, je me suis mise à mon compte comme écrivain public, puis plus tard comme storyteller et enfin, comme auteure. Oh, mais je te rassure, entre temps, il y a eu bien d’autres aventures encore qui m’ont confortée dans ce choix de carrière.

Mais ceci est une autre histoire…

Marica Higher Educational Society, l'école où j'ai travaillé pendant ces quelques mois

Ça, c'est un "get together", un moment de convivialité entre collègues. Les miennes avaient concocté des petits plats dont elles ont le secret : chiapati, biryani et tutti quanti... 😋

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Ma grand-mère qui a fini par me rejoindre au bout de quelques mois sur place et qui vit sa meilleure vie