15 - Après la traversée du désert...
28 juin - Et un jour enfin, on aperçoit le bout du tunnel...
LE CHAFARD
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Salut mes petits scarabées,
Ça fait une paye, hein ? (Plus de deux mois me soufflent les fayots du premier rang) Il est donc l'heure de te faire un petit catch-up ! (Voui, presque comme la sauce...) Alors déjà, commençons par une très, très bonne nouvelle :
La chimio c'est comme Capri... c'est finiiiiiii !!!!
Après trois cures de FEC100 et trois de Taxotère, quatre injections de Neulasta, cinq semaines de corticoïdes, deux kilos de Dafalgan codéïné et parfois même quelques opiacés, six séances d'acupuncture, une dizaine d'autres de réflexologie et je ne sais combien de granules d'homéopathie à la con, bref après quasiment cinq mois à morfler ma race, je suis finalement venue à bout de cette putain de saloperie de chimio de merdeuh !
Je vais être honnête, ça n'a pas été de la tarte tous les jours. Mais c'est un peu comme un accouchement finalement : avec le temps qui passe, les souvenirs se fondent dans une espèce de flou artistique façon trauma de guerre. On n'a plus trop les détails exactement, mais on sait juste qu'on ne veut plus jamais revivre ça ! (Et compte pas sur nous pour la petite sœur...)
Niveau effets secondaires, je vais t’avouer que les deux dernières cures (saveur Taxotère) ont placé la barre assez haut. Alors certes, ça ne valait toujours pas mes premiers amours avec le FEC 100 (souviens-toi : les chimio number one et number two avaient failli me faire arrêter les traitements), mais quand même, c'était pas bien jouasse.
Au programme : des douleurs dans les muscles, les tendons, les os et les nerfs, la perte de la motricité fine notamment liée à une neuropathie périphérique, toujours les globules blancs qui foutent le camp (mais moins depuis le Neulasta) et... grande nouveauté, des bouffées de chaleur ! Ça a peut-être l'air de rien comme ça, mais je te jure que sur l'échelle de la grosse saloperie, ça se place assez bien... Néanmoins, la palme d'or revient sans conteste aux douleurs dans les doigts.
Aujourd'hui, tout va beaucoup mieux heureusement, mais il m'arrive encore d'avoir des difficultés à faire certaines petites choses comme taper au clavier, accrocher le linge avec des épingles ou ouvrir certains contenants (Aaaah !!! Les ongles bordel !!!!) Mais je ne peux pas me plaindre. Parce que quand j'écoute les horreurs que me racontent mes petites camarades de chimio, j'aime autant te dire que moi, c'est de la gnognotte à côté de ce qu'elles ont vécu ! Et c'est là que je remercie les médecines d'accompagnement (acupuncture, réflexologie ...) qui tout au long des traitements m'ont quand même beaucoup épargnée !
Ce qui nous amène maintenant à la deuxième bonne nouvelle, à savoir...
La radio-T aussi.... C'est (bientôt) finiiiiiii !!!
À l'heure où je te parle, il ne m'en reste plus que 4. Mais en tout, ça aura fait trente-trois séances. Allez, dites-le avec moi.
Trente-trois.
Putain.
De.
Séances.
Trente-trois fois à se taper cette saloperie de route à la con (quarante bornes, virages inclus).
Trente-trois fois à se déshabiller dans cette cabine déprimante aux murs vert pomme qui font pleurer les yeux. (Mais qui est leur designer ?!)
Trente-trois fois à passer sous cette foutue machine à cuire, bras levés, seins à l'air...
Je sais bien que ça n'a l'air de rien comparé au reste : pas de douleur ou presque, un léger inconfort, alors quoi ? De quoi je me plains ?
Eh, bien de la tête, les copains... Parce que dès l'instant où le corps peut enfin lâcher du lest, c'est dans la caboche que reprend le combat. Durant toutes ces semaines, tous ces mois à lutter contre la maladie (les traitements…), mon cerveau avait enclenché le mode full warrior jedi. C’est-à-dire très peu d’émotions et beaucoup de résistance. Mais aujourd’hui que les épreuves les plus physiques sont derrière moi, il vient de réenclencher le mode normal avec tout un arriéré d’émotions mon pote, je te raconte que ça. Le moindre petit coup de stress, le moindre mot plus haut que l’autre, la plus petite peur, colère, angoisse, tristesse… tout prend des proportions de ouf. Et oui, oui, il est possible que j’aie légèrement craqué mon slip ce dernier mois et insulté la gentille dame (quoi qu’un peu feignasse) de la SNCF. Et aussi le chauffeur de bus. Et mon taxi. (OK, je songe sérieusement à arrêter les transports en commun…)
Au final, la grosse différence entre la chimio et la radio, c'est que la radio, c'est tous les putains de jours. Ce qui te force à ressasser tout ça – la maladie, les traitements, la peur de la récidive – jours après jour après jour... Pendant plus de 6 semaines. Alors certes, physiquement, c'est beaucoup moins dur que la chimio. Mais moralement, c'est un véritable parcours du combattant pour garder la tête hors de l'eau.
Mais d'ici quelques jours, enfin, la lumière au bout du tunnel : la fin des traitements.
Et avec eux, le fameux, le tant attendu : l'après cancer ! Je m'y vois déjà : cheveux aux vents, poils aux jambes et rêves à portée de main.
Je n'ai qu'une hâte : être à demain et reprendre ma vie là où je l'avais laissée hier... Ou peut-être était-ce avant-hier ? Je ne sais plus.
Les 9 mois qui viennent de s'écouler me paraissent flous tout à coup. J'essaie de repenser à celle que j'étais avant, avant tout ça. Mais, ce n'est plus moi, le miroir a bien raison. Oh, l'image est ressemblante, pour sûr. Mais, non, ce n'est plus qui je suis. Entre deux, il y a eu un déluge, quelques sauterelles et ma foi, même un peu de ténèbres. Je suis une rescapée. La vie ne peut plus avoir le même goût de vanille après un naufrage. Elle a plutôt un goût de sable et d'eau salée.
Alors oui, ce fameux "après", j'y serai bientôt. Mais même si on l'attend, même si on l'espère, même si on en rêve la nuit, ce ne sera pas fingers in the nose, une tape sur le cul et puis s'en va. L'après, ce sera encore pas mal de défis à relever. Alors comme pour les escaliers, on va y aller progressivement, une marche après l'autre.
Il faudra commencer par se faire à cette nouvelle jauge d'énergie, trompeuse, dont la graduation a changé sans que je m'en rende vraiment compte. Il faudra ensuite juguler cette récente frénésie qui me pousse à vouloir faire tout et tout de suite (cf. point 1, le machin sur la jauge d'énergie). Il faudra enfin réapprendre à aimer le miroir et cette drôle d'image qu'il me renvoie, ce moi qui n'est plus tout à fait moi, même si encore un peu quand même. Bref, il va falloir réapprendre à vivre avec ce nouveau bagage dans notre histoire, cette drôle de valise qui pèse un peu dans la main.
Mais surtout, il va falloir enfin libérer cette fureur de vivre et vivre autrement – vivre vraiment. Et pour ça, fais-moi confiance, j'ai déjà commencé.
Mais ceci est une autre histoire...
Bisous mes petites loutres en poils


"Oui, je confirme : les doigts, ça pique un peu quand même" - Theon Greyjoy, Game of Thrones
C'est-à-dire, qu'avant ça, je n'aurais jamais pensé qu'une si petite partie du corps humain puisse faire aussi mal ! D'ailleurs, avant ça, je n'aurais jamais pensé qu'ouvrir un sachet de thé ou percer l'opercule d'un médoc puisse représenter un réel défi... Pour te la faire courte, c'est un peu la même sensation que si tu te coinçais le bout de tous les doigts dans une porte et qu'en même temps, tu te recevais sur la paume des mains après une chute (tu la vois cette espèce de douleur dégueulasse qui résonne dans les os ?) et le tout avec les avant-bras tendus à l'extrême un peu comme quand le prof de yoga te fait tenter une nouvelle position qui est clairement pas de ton niveau.
Bref, du bonheur en barre quoi.
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Les un an du Chafard
Mes petits caramels mous,
Y'a des anniversaires comme ça qui te font vieillir plus que d'autres. Il y a un an de ça, ou peut-être cent, j'avais 32 ans et la vie devant moi... "Ou presque" est venu me murmurer le cancer. Ah bah super ! Jean-Michel Pète-L'Ambiance !
Sur sa lancée, il s'est chargé de me rappeler que la vie, elle était aussi un peu derrière ("32 ans meuf, t'es plus complètement une jeunette, hein") et puis surtout qu'elle est beaucoup maintenant. Hakuna Matata, ce genre de conneries.


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