13 - I am a fucking Bisounours !

25 février - Où l'on remonte (enfin !) (un peu) la pente...

LE CHAFARD

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Mes chers petits canards en sucre,

La dernière fois que je t’ai écrit, nous étions à J+4 de la troisième chimio et jusque-là, tout allait à peu près bien. Nous voici trois semaines plus tard et tu dois avoir plein de questions : l’atterrissage s’est-il finalement bien passé ou a-t-elle morflé sa race comme les autres fois ? Ses cheveux ont-ils repoussé ou ressemble-t-elle toujours à Gollum ? Reste-t-il des Pépitos ? Je sais, je sais : il est grand temps de mettre un terme à cet insoutenable suspense. (Prépare-toi à lire une bonne grosse tartine)

Tout s’est enfin bien passé ! (ou presque)

Oui, tu as bien lu : cette troisième chimio s’est très bien passée ! Je n’irai pas jusqu’à la qualifier de " merveilleuse ", mais pour moi, vu ce à quoi ont ressemblé les deux derniers mois, ne pas devoir passer mes journées à lutter contre la douleur, c’est déjà le début du bonheur. Bon, bonheur, bonheur, je m'emballe peut-être un peu... Allez, tu y mettras tous les guillemets que tu voudras, mais en gros, c’est un peu ça l’idée : ces trois dernières semaines, j’ai eu l’impression de retrouver ma vie d’avant… (Les cheveux en moins.) C’était gé-nial !

Cette nouvelle oncologue a vraiment fait des miracles (ou alors c’est mon corps qui s’adapte aux produits ? Mouais, j’en doute un peu quand même…) : quasiment pas de nausées ou vomissement, juste la fameuse perte d’appétit qui tenait tant à cœur de (l’autre gros mou du genou à l’empathie de bulot cuit) mon premier oncologue.

Et la saloperie d’état grippal qui me maravait bien la tête à chaque fois ? Tu t’en souviens de celui-là ? Peuh ! Il a peine pu faire un début d’apparition que mes globules blancs – miraculeusement ressuscités grâce à Saint-Neulasta* – étaient déjà sur la brèche ! Ça a donné quelque chose du genre :

SALOPERIE D’ÉTAT GRIPPAL (toussant) : Kof ! Kof ! Kof !

GLOBULES BLANCS (de Niro’s face, mode : on) : Whaaaat the fuuuuck ???? You’re talking to me ?! YOU’RE TALKING TO ME ?!!!

Et BOUM ! Gros clash dans sa mimolette !

Résultat : plus de bobo, plus de mal de gorge, plus rien je te dis !

Best-injection-ever !!!!

BREF. Je m’égare. Et je mets beaucoup de lettres en capitale. Et d’Anglais. Pardonne-moi, c’est l’émotion.

* Souviens-toi de la fameuse injection à J+1 destinée à aider les globules blancs à renaître de leurs cendres en poussant un peu la moelle osseuse au cul… C’était lui !

Bien sûr, il y a quand même eu une ou deux petites couilles dans le potage…

… Mais parce que sinon, ce ne serait pas drôle, hein ? Par exemple, la première semaine, je n’ai pas vraiment pu manger à cause de la fameuse perte d’appétit donc, mais également à cause de… euh, comment t’expliquer ça sans te faire vomir ? (Rhoo ça va, pars pas, je te taquine.) Disons que j’avais une sorte de boule de gaz brûlant/ magma / Kamehameha entre les dents du fond et l’estomac. Le truc pas super agréable donc… Alors au début, j’ai essayé d’identifier un peu le machin histoire de prendre le cacheton approprié : une brûlure d’estomac ? (Nope.) Une brûlure des muqueuses ? (Nope again.) Bon… Une sensation de brûlure diffuse en tout cas ? (C’est déjà un peu plus ça, voui…)

Donc après m’être avalé je ne sais combien de litres de gaviscon au fenouil…

Sérieux ? "Goût fenouil"… Faut vraiment haïr son prochain pour inventer un truc comme ça ! Bref. Après m’être avalé des litres de cette saloperie (en vain), je me suis dit puisque brûlure il y a, autant faire appel à un expert en la matière. Je me suis donc immédiatement mise à la recherche d’un… non, pas d’un pompier strip-teaseur (bande de petits pervers !) (Quoique retiens quand même l’idée, on ne sait jamais…)

Je me suis mise à la recherche d’un coupeur de feu.

Une séance chez un coupeur de feu comme chez un magnétiseur ou tout autre marabout, ce n’est jamais vraiment bien conventionnel comme truc.

Déjà, faut en trouver un.

Et un bon tant qu’à faire.

Ah et si possible, pas un charlatan.

Bon, nous on a pris le copain de la belle-mère de l’ex-femme d’un oncle de Benoît… Enfin, je crois. (Je ne suis pas sûre d’avoir tout bien suivi l’arbre généalogique…) Mais peu importe. Il était dispo immédiatement quand j’en ai eu besoin, c’est-à-dire quand j’étais à deux doigts de la combustion spontanée. Nous avons donc foncé à travers champs ou presque et une fois sur place, nous avons eu la surprise de tomber sur un couple de personnes âgées. Mais genre vraiment très, très, très âgées. Je crois que le Monsieur aurait pu être l’arrière-grand-père de mon arrière-grand-père. OK, j’exagère peut-être un peu, mais à quelque chose près, c’était ça. Et puis, c’est histoire de souligner l’ironie de la situation où les très vieux Messieurs rassurent les jeunes femmes sur leur santé défaillante… Une histoire de poêle et de poêlon si tu préféres…

Benoît et la vieille dame sont restés en retrait dans la cuisine pendant que le coupeur de feu et moi sommes passés dans leur chambre à coucher toute proche. Il m’a fait asseoir sur le lit puis enlever entièrement le haut. Ensuite il a commencé à m’étaler une sorte de truc visqueux sur le torse puis à me passer les mains dessus… Pendant ce temps-là, je me faisais la réflexion que c’est quand même sympa, tous ces inconnus qui te tripotent les miches à longueur de cancer. Finalement, la maladie, c’est un peu comme la grossesse : le sacrifice de la pudeur sur l’autel de la santé… (Que celle qui ne s’est pas fait " vérifier le col " par une bonne centaine de paires de doigts différents me jette la première pierre !) * Toujours est-il que quelques heures plus tard, le résultat était là : je commençais déjà à avoir moins mal !

* Je doute que ce Monsieur me lise un jour, mais si c’est le cas et qu’il se reconnait, qu’il sache que malgré mon humour parfois décapant, je lui suis extrêmement reconnaissante pour sa grande gentillesse et sa disponibilité.

Un peu plus tard dans la journée, j’ai rencontré une copine qui est réflexologue. Je ne connaissais pas vraiment cette discipline, mais l’oncologue, pourtant pas très open sur des trucs comme l’homéopathie ou la Marie-Jeanne, m’avait vivement conseillé d’essayer. J’ai donc essayé. Et là, ô miracle ! Ô petit pois ! C’est vraiment un truc de gue-din ce machin-là ! (On parle toujours de la réflexologie bien sûr…)

Malgré l’intervention du coupeur de feu, j’avais encore des douleurs assez importantes (même si moindres) (mais importantes quand même) (oui, enfin tu vois un peu le genre…) (sérieux, m’oblige pas à mettre une parenthèse de plus…) Et là, à peine une demi-heure après la séance de réflexo, je pouvais de nouveau recommencer à manger un peu et dès le lendemain, j’étais en mode power patate ! Quelques jours plus tard, on a de nouveau fait une séance, qui s’est de nouveau soldée par un effet patator plus. Autant te dire que la réflexologie a une nouvelle adepte ! Quand je pense aux litres de Gaviscon fenouil que j’aurais pu m’éviter de prendre ! (Qui sait ? J’aurais peut-être même été suffisamment en forme pour aller voir un certain spectacle de pompiers …) *

*Mon Chéri, si tu lis ces mots, sache que tu es bien évidemment le seul pompier que mon cœur peut voir et que ta grosse lance… Ahem… La suite en MP, OK ?

Suite à ça, mise à part une fatigue importante liée à l’anémie, je suis restée relativement en forme pendant les deux semaines restantes (comprends par-là : pas de douleur obsédante, ni handicapante et je mange correctement). Du coup, j’ai pu faire plein de trucs " comme avant " : m’occuper d’Elliot, l’emmener à la crèche, voir des copines, recevoir des gens à la maison, faire un peu de ménage, râler après mes deux Cro-Magnon pour " leur " bazar, leur préparer de bons petits plats et même aller travailler (mes collègues te diront que j’ai surtout pourri leur productivité…). La vie quoi !

Ah et au milieu de tout ça, devine quoi : j’ai même pu aller signer les papiers de notre SAS. C’est donc officiel : je suis l’une des cinq associés de la toute jeune agence de communication " Lorem Ipsum " ! Trop, trop fière !

Danse de la joie, Bisounours style

Benoît a attaqué la saison avec les fameuses betteraves. Ceux qui nous connaissent depuis quelque temps savent que cette culture est particulièrement éprouvante physiquement. Je te raconterai peut-être ça une autre fois. Du coup, je me suis retrouvée seule avec mon petit pois deux week-ends de suite, dont un où j’ai en plus dû faire la popote pour l’équipe de planteurs. Tsé, la petite dizaine de personnes à nourrir comme il faut pour leur redonner le courage de retourner sur cette foutue planteuse, je te raconte pas la pression ! Mais j’ai assuré comme une chef : personne ne s’est plaint de la nourriture, la maison était relativement propre et le petit pois, plus ou moins sage. Bon il m’a fallu la semaine entière pour me remettre de ce week-end intensif, mais je suis quand même bien fière du résultat !

Petit loup quant à lui, parle de mieux en mieux. Il a même remarqué que certains mots étaient interdits. Et comme Papa et Maman ont légèrement tendance à ponctuer leurs phrases avec, c’est génial pour lui, car c’est l’occasion à la fois de nous rappeler à l’ordre et – savoureux plaisir – de prononcer lesdits mots interdits : " Maman, on dit pas gogolasse !", " Papa, on dit pas putain… On dit punaise. "

Voilà. Que de douceur, n'est-ce pas ? Et dire que lundi prochain, nous commencerons un nouveau cycle de chimio avec un nouveau produit... Que nous réserve-t-il ? Ami ou ennemi ? Surprise et boule de gomme ! Alors, profitons encore un peu de l'instant présent.

Et d’ici là, douceur, tendresse et boudin noir sur toi. (Râle pas, c’est bon pour le fer, le boudin noir… Et succulent avec des pommes.)

PS : Tu n’as pas idée de l’impact que tes petits mots peuvent avoir sur mon moral. Et mon moral est très, très important pour notre famille en ce moment. Alors surtout, continue comme ça ! (Et même si je ne réponds pas toujours de suite, je te lis avec avidité !)

Le Kamehameha pour les nuls

De leur côté, mes deux bonhommes vont bien.

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Le p'tit nouveau

Mes petits burritos,

Je termine la 3e semaine du cycle de la 4e chimio et – heureuse surprise – les effets secondaires de ce nouveau produit restent relativement supportables ! On se fait un petit rewind que je te raconte tout ça ?

Il était une fois, un produit qui tue…