12 -Le jour où j'ai arrêté d'être courageuse
7 février - Et quand on a envie de tout abandonner, on fait comment ?
LE CHAFARD
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Mes petits Pépitos,
Aujourd'hui, je vais te parler un peu chimio et beaucoup mental. Mais avant, je te demande deux secondes, j'ai un truc hyper important à aller faire.
[* se lève, va chercher une boîte de Pépitos, revient, un gâteau dans la bouche *]
Désolée, mais tous les toubibs sont formels : faut écouter son corps et ses envies. Non, mais en vrai, c'était des pas Pépitos, le chocolat passe plus trop ces derniers temps (changement de goût lié au traitement, blablabla…), mais j'aimais bien comme nom pour commencer l'article…
Bon alors, cette seconde chimio, on en parle ?
Tu te souviens la dernière fois, je te racontais comment le jour de la deuxième cure (début janvier), je m'étais découvert de tout nouveaux effets secondaires (petite veinarde, va !) Moi qui pensais qu'on pouvait au moins établir une sorte de cycle sur lequel me baser… Bon, bah en fait, oui, mais pas que... C’est-à-dire que dans les grandes lignes, j'ai effectivement retrouvé plus ou moins les mêmes choses : idylle avec la cuvette la première semaine, chute des anticorps et infection ORL en suivant, remontée la troisième semaine et c'est reparti Kiki pour une nouvelle cure.
Parfois je n'ai qu'une envie, abandonner.
(Allez, la suite tous en cœur : "Il fut un temps où j'étais comme vous, malgré toutes mes galères, je reste un homme debout" Lalalalala !)
Je ne te cache pas que le mental en a pris un coup ces dernières semaines. Chez tout le monde. De mon côté, y'a eu cette fameuse semaine où la douleur était tellement violente et permanente que, franchement, je crois que j'aurais tout fait pour que ça s'arrête si j'en avais eu la force ("Mais suicidez-moi bordel", hurlait-elle au paroxysme de son délire). Heureusement, la fièvre aidant, la force en question, je ne l'avais pas. (Ahem…) Et plus heureusement encore, j'ai fini par m'en remettre (mais ça n'a pas été du tout cuit quand même).
Aujourd'hui, je peux t’assurer que chaque jour sans douleur ni cachet est une journée de grande forme, de forme olympique même ! Je pétille de joie et de bonne humeur ! J'ai des ailes qui me poussent miraculeusement dans le dos et tout est tellement plus léger, tellement insignifiant et fabuleux à la fois. Penses-y : aucune douleur qui te plaque au lit. Pas d'énormes cachets à avaler par pack de 20 ! Si ça ne ressemble pas à la liberté, ça, je ne sais pas ce que c'est ! Quand je pense à toutes ces années où j'ai été libre sans le savoir…
Quant à Benoît… C'est dur d'être le seul valide dans une maison pleine de convalescents, d'avoir toujours avoir le nez dans la maladie, mais aussi d'être "à côté". Tu sais, de ne pas être celui qui prend les décisions, mais d'être tout de même celui qui les subit, qui doit accompagner, qui doit soutenir. Ça ne met pas du tout la pression d'ailleurs. Mais quand même, juste au cas où il l'oublierait : lui, il n'a pas le droit de craquer, ni physiquement ni moralement. Lui, il se doit d'être en forme, tout en continuant à bosser comme si de rien n'était parce que ça non plus, on ne pourrait pas se le permettre. Bref, comme tout roc dans la tempête le sait, lui, il a un rôle à la fois difficile et ingrat.
Et puis il y a notre petit Pois. Qui vit sa vie de petit Pois, faite de danses, de grimaces, de bisous qui pètent et de bêtises. Mais qui s'inquiète un peu quand même quand Maman va voir le "ninitateur" (Tu avais bien sûr traduit "le docteur".) Heureusement, il y a récemment eu deux découvertes majeures dans son quotidien : Madagascar 2 et les bonbons. Alors il arrive à accepter, de temps en temps, un peu d'abrupt dans ce monde de douceur. Et nous tenons ainsi pour le moment. En lui expliquant pas à pas, les choses qu'il peut comprendre, avec des mots qu'il peut comprendre.
Ça va chier des bulles !
Sur conseil de Céline (la pote de chimio de l’autre jour), j'ai donc commencé par reculer la chimio d'une semaine pour me laisser le temps de reprendre quelques forces (ainsi qu'à mes neurones celui de se reconnecter entre eux). Ensuite, j'ai changé d'oncologue, car le décalage entre le discours tenu et la réalité du terrain avait fini par avoir raison de la confiance que je lui accordais. ("N'y voyez rien de capillaire, toubib, mais ce n'est plus possible de continuer ainsi…") Ensuite, j'ai tenté de recontacter mon chirurgien pour qu'il m'explique précisément ce qui s'était dit lors de la fameuse réunion qui a décidé de mon protocole de traitement. (Mais je n'ai toujours pas de nouvelles à ce jour #AlertePatienteReloue.) Enfin, j'ai passé quelques appels pour avoir des infos plus justes et plus actualisées sur les différentes possibilités de traitement en général et sur la chimio en particulier.
Rassure-toi, l'idée n'est pas de prendre des décisions hâtives. Mais je suis désolée, ce n'est pas être courageuse que de se laisser passivement empoisonner comme je l'ai fait les six dernières semaines. Surtout que rappelons la situation : je n'ai plus de tumeur et je n'ai pas de métastases. En un mot : je n'ai plus rien ! Alors, tout ça pour… quoi au juste ? Simplement éviter les risques de récidives ? Mais dans quelle mesure ces risques sont-ils avérés ? Peut-on les quantifier ? Et vu l'épidémie de grippe actuelle, de quoi devrais-je être le plus effrayée : par une mini tumeur qui serait miraculeusement passée sous le radar des deux millions d'examens que l'on m'a fait jusqu'ici ou par la possibilité d'attraper une grippe avec un système immunitaire ruiné par la chimio ? (Surtout avec un petit bout de deux ans et demi qui ramène à la maison toutes les saloperies qui traînent à la crèche.)
Quand ton toubib a plus de veuch que toi...
Résultats des courses ?
La chimio nouméro tresse a donc été reculée de quatre jours et comme j'étais en forme le dimanche, cela nous a fait en tout 5 jours de répit. 5-jours ! La folie furieuse, tu n'imagines même pas ! J'en ai profité pour faire plein de trucs qui font du bien : un aprèm entre copines, aller manger (et un peu travailler aussi) avec mes collègues (slash futurs associés, mais ceci est une autre histoire…), cuisiner le soir pour ma petite famille et même… Oui, même… Faire un peu de quad !!! Bon certes, une demi-heure à peine et à deux sur la même machine pour que Benoît puisse prendre le relais quand je fatiguais, mais bon sang que ça faisait du bien !!! En descendant le chemin qui mène dans les champs, j'avais des milliers de petites bulles qui éclataient partout dans mes bras comme un feu d'artifice, ça remontait le long de mes épaules jusque dans ma tête. C'était comme si quelqu'un m'avait fait une injection de bonheur (et c'était de la bonne, les gars !)
Ensuite, j'ai passé un bon moment au téléphone avec mon pote qui est chercheur contre le cancer aux Staytes. Et il m'a (un peu) réconciliée avec mon protocole de traitement et (beaucoup) apaisée sur la chimio en général. Il m'a également confortée dans ma décision de trouver un médecin avec qui je pourrais avoir une relation de confiance et de m'ouvrir à tout ce qui pourrait accompagner d'une manière ou d'une autre le traitement.
Le lendemain, la nouvelle oncologue demandait à me rencontrer avant la prochaine chimio pour qu'on puisse avoir le temps de se connaître, même si elle ne faisait que reprendre mon dossier (je reste dans la même clinique). J'ai apprécié. Lors du rendez-vous, elle a gagné des points supplémentaires en m'écoutant attentivement et accessoirement en ne me balançant pas son stéthoscope à travers la tête lorsque je lui ai dit, qu'en gros, hein, la chimio, c'est bien joli, mais encore une comme ça et c'est bon je jette l'éponge, Bob, ras le cul la balayette de ces conneries, je vous rends mon tablier ma bonne Dame, puis je vais aller tenter ma chance comme ça, nanméoh.
Au contraire, elle comprend parfaitement à quel point le traitement est lourd et estime que le rapport risques/ bénéfices doit balancer du bon côté pour que le truc vaille la peine. Elle n'a pas essayé de minimiser le truc, de me rassurer ou quoi que ce soit. Elle m'a simplement VRAIMENT écoutée et agit en conséquence pour alléger le traitement et m'accompagner au mieux. Réduction des doses de produit, ajout de cortisone à la maison et injection de Neulasta pour relancer plus rapidement la production de globules blancs. Ma perte de poids l'a également perturbée (5 kg depuis le début des combats) et elle souhaitait mettre des choses en place une ou des perfusions d'antiémétiques à domicile pour limiter les dégâts. Mais là, c'est moi qui ai mis le holà. Ça va aller avec les médocs, hein. Avec vos conneries, c'est plus un foie que je vais avoir, c'est un motif de perquisition pour les stups.
Eh bien, ma foi, la cure en elle-même s'est relativement bien passée. J'insiste sur le relativement, parce que je ne te cache pas que rien que de prononcer, écrire ou même penser à ce mot, j'ai des haut-le-cœur. (Comme pour le resto indien…) C'était vendredi dernier donc, là nous sommes lundi et pour l'instant, ça a été moins pire que les autres fois. Bien sûr, je reste prudente dans mon pronostic, car la fois d'avant aussi, j'avais eu l'impression que ça allait bien au début. Donc là, entre deux coups de fatigue et trois petites nausées, c'est un peu un mélange de YOLO et de carpe diem à la maison. Je touche du bois chaque fois que j'en croise pour que ça dure et je crois même que Benoît a prévu d'aller sacrifier un sanglier à la prochaine pleine lune.
En tout cas, j'ai déjà largement plus confiance en ma nouvelle oncologue et en sa façon de m'accompagner et comment te dire ?
Jusqu'ici, tout va bien.
Jusqu'ici, tout va bien.
Jusqu'ici, tout va bien.
Jusqu'ici, tout va bien.
…
Rendez-vous au prochain billet !
D'ici là, paix, amour et billets verts sur toi.
Ton Chafard
Psst !!!
Si de ton côté, tu as envie d'éclairer ma journée, continue comme tu le fais à m'envoyer des petits mots et de vos nouvelles. Tu n'imagines pas le bien que ça fait de te lire ! Je te parlais de l'importance du mental tout à l'heure, tous vos petits mots contribuent grandement à le renforcer. Alors, n'hésite pas ! (Pigeons voyageurs bienvenus)
Et du coup, cette troisième chimio ?
Dans ce morne contexte, chaque jour est "un jour sans fin" (Bill Murray, I hear brother) et ces derniers temps, on ne peut pas vraiment dire que je sois dans l'acceptation patiente et méditative de ma condition. Au contraire, il y a une dizaine de jours de ça, j'ai carrément enclenché le mode rébellion/ négociation 3.0. Je me suis mise à me passer les mêmes questions en boucle : pourquoi je m'impose ça ? Pourquoi j'impose ça à ma famille ? N'y a-t-il pas d'autres options de traitement ? La chimio est-elle vraiment obligatoire vu le rapport-bénéfices/risques ? Puis-je vraiment avoir confiance en un oncologue qui a autant de cheveux ?


Mais à tout ça sont venues se greffer quelques nouveautés fort déplaisantes. Je te passe les détails, mais disons que cette seconde cure, initialement moins violente que la première, s'est en fait révélée être largement pire ! Je te laisse imaginer : trois semaines à être malade full time, trois putains de semaines à enchaîner des trucs tous plus chelous et désagréables les uns que les autres. Yeurk.


My new BFF and I - Selfie
Par moment, j'ai eu l'impression que le génie de la maladie se penchait sur moi pendant mon sommeil et se la jouait boucher charcutier : "Alors la p'tite Dame, on y met quoi cette fois ? Une angine ? Une bronchite ? Allez, je vous mets les deux pis je vous offre l'otite en prime. Si, si, ça me fait plaisir. Allez, et puis bonjour au petit, hein !" Et donc le petit a lui aussi été malade pendant deux semaines… J'vous raconte pas l'ambiance à la maison. Benoît était à deux doigts – je cite – "d'aller chercher des cigarettes".




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I am a fucking Bisounours
Mes chers petits canards en sucre,
La dernière fois que je t’ai écrit, nous étions à J+4 de la troisième chimio et jusque-là, tout allait à peu près bien. Nous voici trois semaines plus tard et tu dois avoir plein de questions : l’atterrissage s’est-il finalement bien passé ou a-t-elle morflé sa race comme les autres fois ? Ses cheveux ont-ils repoussé ou ressemble-t-elle toujours à Gollum ? Reste-t-il des Pépitos ? Je sais, je sais : il est grand temps de mettre un terme à cet insoutenable suspense. (Prépare-toi à lire une bonne grosse tartine)
Tout s’est enfin bien passé ! (ou presque)
[...]


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Je suis aussi présente sur Insta où je parle séries, bouquins et mécanismes d'histoires. Parce que j'aime bien ça moi, décortiquer des machins et des trucs et regarder comment c'est fichu. Pas toi ?
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Machins légaux

